L'accord majoritaire par consultation à l'épreuve des faits

Publié le 31/03/2017

Disposition de la loi El Khomri, l'accord majoritaire par consultation des salariés à l'initiative d'organisations représentant plus de 30% des voix, s'est appliquée chez RTE comme chez Novo Nordisk. Avec des résultats très différents dans chaque cas.

Le verdict est tombé : les salariés de RTE se sont majoritairement prononcés contre l’accord sur l’organisation et le temps de travail des chantiers à délais contraints lors de la consultation organisée du 24 au 30 mars. 76,3% des 4 200 agents ont participé au vote, « ce qui tend à prouver que les salariés sont demandeurs de telles consultations », estime le délégué syndical central CFDT de RTE, Guy Marchetti. Au final, 70,77% ont rejeté l’accord, signé par la CFDT et la CFE-CGC, qui représentent 34,37% à elles deux. Le texte visait à harmoniser les conditions d'intervention des agents de maintenance, «très inégales selon les régions ». Une consultation ultra-médiatisée dont la CGT, qui pèse 58,39% des voix, a fait un étendard de contestation bien au-delà de la question posée. Mais pour Guy Marchetti, c’est davantage « le climat de défiance » envers la direction et l'avenir de l’entreprise qui explique pour partie le résultat.

Une première consultation chez Novo Nordisk

Force est de constater que la consultation des salariés dans le cadre des nouvelles règles de l’accord majoritaire – une disposition dont la CFDT n’était pas demandeuse lors de l’élaboration de la loi El Khomri – fonctionne. La première de ce type a eu lieu le 10 février dernier sur le site de Chartres du groupe pharmaceutique Novo Nordisk. Les 1100 salariés des deux unités de production étaient appelés à se prononcer sur l’avenant n°4 à l’accord sur l’organisation et la durée du travail. Un texte destiné à augmenter la productivité du site, en vue d’intégrer de nouveaux produits et lignes de production – avec la perspective de 250 embauches à la clé. « L’avenant augmente notamment le temps de travail quotidien des 371 salariés de la production en 5x8 de 25 minutes. En contrepartie, le temps de recouvrement est accru, ce qui permet une meilleure transmission des informations entre les équipes », expliquent Olivier Bourgeois, Élodie Delaize et Benoît Genonceau, délégués syndicaux CFDT.

Une première tentative, en décembre 2016, avait fait long feu : « La CFTC, la CGT et Force ouvrière avaient fait opposition à l’avenant conclu en décembre 2016, que nous avions signé [la CFDT pèse 44%]. Elles n’ont pas non plus signé le nouvel avenant, à l’issue d’une nouvelle phase de négociation. Nous avons donc décidé de prendre nos responsabilités », poursuit Benoît Genonceau.

Les salariés votent pour, FO est débouté

Conformément à ce que prévoit la loi du 8 août 2016, la CFDT, seule organisation signataire, négocie avec la direction le protocole organisant la consultation des salariés. Signé le 24 janvier, il détermine le périmètre des électeurs, la question posée, les modalités d’information des salariés, d’organisation et de déroulement du vote, etc. Au final, la consultation, qui se déroule le 10 février, donne raison à la CFDT : 64,48% des votants approuvent l’avenant signé par la CFDT – avec un taux de participation supérieur à 85%.

Entre temps, Force ouvrière a saisi le tribunal d’instance de Chartres, contestant notamment le fait que l’ensemble des salariés soient appelés à se prononcer. Une demande déboutée par le tribunal qui a estimé que l’avenant soumis à consultation « a pour objet de modifier l’accord sur l’organisation et la durée du travail s’appliquant à l’ensemble des salariés ». Le tribunal va plus loin, rappelant que la loi Travail a donné « la primauté (…) à la volonté de l’ensemble des salariés de l’entreprise ou de l’établissement, considérée comme l’expression de l’intérêt collectif de l’entreprise sur des intérêts particuliers (…). En outre, tous les salariés de l’entreprise pourraient potentiellement se voir appliquer ces dispositions en cas de mobilité interne. De plus, le temps de travail dans l’entreprise a nécessairement une incidence sur sa compétitivité et concerne dès lors l’ensemble des salariés ».

Un pari sur l'avenir

Une satisfaction pour la CFDT de Novo Nordisk, qui considère que l’avenant est « un pari sur l’avenir » du site. « Nous avons beaucoup douté. Nous n’avons pas la prétention d’avoir raison : c’est pourquoi il était important de donner la parole aux salariés. On leur a laissé la possibilité de choisir. Pour se dire qu’on était allé au bout du processus. » Dans sa communication aux salariés, l'équipe a aussi veillé à indiquer que le résultat du vote ne changerait rien pour elle : « Ce n’était pas un référendum pour ou contre la CFDT. L’enjeu, c’était le contenu de l’avenant. » Quel impact cette consultation aura-t-elle à l’avenir ? « Quand on a signé l’accord sur les 5x8, en 2014, les autres organisations nous sont tombées dessus. Puis quand il a été question qu’il soit remis en cause, elles l’ont défendu bec et ongles – après l’avoir rallié entre temps. » Fort de cette expérience, les délégués syndicaux espèrent que « d’ici deux ou trois ans, on en verra les fruits ».

aseigne@cfdt.fr