Chez Daher, le dialogue social limite la casse

Publié le 23/12/2020

Dans une industrie aéronautique mise à terre par la crise sanitaire, le groupe Daher a été l’un des premiers à lancer un PSE. Une négociation marathon a permis d’en réduire le périmètre et d’améliorer l’accompagnement des salariés.

C’est peu de dire que l’industrie aéronautique est frappée de plein fouet par la crise ; le trafic aérien et les commandes d’avions sont réduits à peau de chagrin. L’équipementier Daher, dont l’activité dépend à 80 % d’Airbus (aujourd’hui dans la tourmente), a vu son chiffre d’affaires fondre dès le premier confinement. L’annonce d’un PSE visant à supprimer 1 261 emplois (sur un effectif de 10 000 salariés) est tombée dès le mois de juillet. Passé le premier choc, les cinq organisations syndicales, présentes à environ 20 % chacune (22 % pour la CFDT), se sont constituées en intersyndicale. Au terme d’une négociation marathon, la CFDT a abouti à une solution qu’elle juge satisfaisante. « Le temps a paru long aux salariés, qui avaient hâte d’être fixés sur leur sort, mais ce temps était nécessaire pour arriver à des accords équilibrés, l’un sur l’APLD [activité partielle de longue durée] et l’autre sur les mesures d’accompagnement dans le cadre du PSE », souligne Jérôme Crespin, coordinateur CFDT du groupe Daher. « La CFDT a très tôt revendiqué une mise en place significative de l’APLD face à une direction d’abord frileuse », précise Johnny Favre, secrétaire national de la CFDT-Métallurgie, qui a accompagné le travail de la coordination et souligne la qualité du dialogue social mené dans l’entreprise, entre une direction ouverte aux propositions et des syndicats qui ont su faire front commun. « La coordination CFDT s’est mise en place très rapidement. Les équipes ont dû suivre des formations express ; ce sont des jeunes militants investis et soudés, qui ont remporté les dernières élections dans les CSE du groupe, où nous avons beaucoup progressé ces dernières années. »

Un plan social divisé par deux

Un accompagnement sur mesure des salariés

Reclassement interne ou externe, formation, aide à la création d’entreprise : les mesures d’accompagnement doivent s’adapter à la situation de chaque salarié. La négociation a permis d’obtenir un allongement des congés de reclassement, jusqu’à douze mois selon la situation et l’âge du salarié. En cas de retour à l’emploi dans les cinq premiers mois, ce congé peut être monétisé à 100 %. La période de priorité à la réembauche a été portée à vingt-quatre mois au lieu de douze. Des primes incitatives au départ à la retraite (de 4 500 à 6 500 euros en fonction de l’âge du salarié et de la date de prise de décision) et à la mobilité interne (trois mois de salaire, trois et demi pour les salariés les plus fragiles) ont été adoptées. L’accord comprend également une prime de 5 000 euros pour les projets de microentreprise et de 8 500 euros en cas de reprise ou de création d’entreprise.

Ces efforts ont porté leurs fruits. « Nous avons réussi à diviser par deux le nombre de départs, souligne Jérôme Crespin. Malheureusement, il reste encore 643 postes sur la sellette. Notre signature ne vaut pas validation des licenciements, et l’action syndicale se poursuit. » Saint-Julien-de-Chédon (Loir-et-Cher) est le seul site du groupe menacé de fermeture, et dont le sort est encore en suspens ; des reclassements vers les usines de Nantes et Tarbes sont à l’étude pour une partie seulement de ses 200 salariés. Le site lui-même intéresse une quinzaine de candidats à la reprise, qui se sont déclarés au début novembre. « Nous gardons espoir, la mission du cabinet mandaté est de sélectionner un repreneur qui assure la pérennité de l’emploi », affirme Jérôme.

En difficulté avant la crise

Le site de Saint-Julien-de-Chédon et le groupe Daher dans son ensemble souffrent d’un léger manque de compétitivité antérieur à la crise. Le groupe (dont le capital est détenu à 80 % par la famille de son fondateur) a bâti sa réussite sur une politique de rachats successifs d’entreprises, dans une logique uniquement financière, dénuée de véritable stratégie industrielle, selon le coordinateur CFDT : « Daher est une mosaïque d’entreprises. Avantage, elles sont autonomes ; inconvénient, cela entraîne une déperdition de la productivité de l’ensemble du groupe faute de standards industriels communs. » La direction avait d’ailleurs engagé bien avant la crise sanitaire un audit devant aboutir à une réorganisation de l’entreprise. « Ils nous avaient alors annoncé leur volonté de réduire la voilure en 2020 », évoque Jérôme. À ces fragilités structurelles s’ajoutent les facteurs de crise liés à la Covid. Les aides de l’État suffiront-elles à traverser les turbulences ? « L’APLD nous permet de garder la tête hors de l’eau pendant vingt-quatre mois, avec la possibilité de répartir le chômage partiel sur trente-six mois, comme l’indique la loi, souligne Jérôme. Malgré tout, cet outil risque d’être insuffisant. Les vols et les commandes d’avions ne sont pas près de reprendre comme avant. Dans l’aéronautique, nous sommes partis sur une crise qui peut durer quatre ou cinq ans. La baisse du chiffre d’affaires pour la seule année 2020 sera de l’ordre de 60 %. »

Cap sur les métiers d’avenir

Dès lors, tout doit être entrepris pour sécuriser le parcours des salariés et renforcer leur employabilité. Un état des lieux des métiers d’avenir dans l’aéronautique et la signature d’un accord GPEC sont au programme des prochaines négociations chez Daher. « De nombreux salariés seront amenés à changer de service, de métier, de région. Nous devons construire un accompagnement global, précise Jérôme. En tant que syndicalistes, c’est un peu notre métier de demain. »

mneltchaninoff@cfdt.fr