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AJ n° 244 - La modification du contrat de travail, limite au pouvoir de l’employeur ?

Publié le 15/12/2020

Ce numéro, qui arrivera dans vos boîtes aux lettres pour les fêtes, propose de répondre à la question : qu’est-ce qui borne le pouvoir de l’employeur de modifier le contrat de travail d’un salarié ?

Poser cette question en convoque immédiatement une autre : qu’est-ce qui constitue une modification du contrat de travail ?  Qu’est-ce qui au contraire ne concerne « que » des changements annexes ou périphériques, et donc moins régulés car échappant droit contractuel ? Autrement dit, qu’est-ce qui borne le pouvoir de l’employeur d’imposer des changements au salarié ? Quelles limites à son pouvoir de direction ?

C’est à ce casse-tête qu’Action juridique se consacre, faisant le point sur les évolutions récentes comme sur les grandes tendances.

Si le contrat de travail protège le salarié de certains pouvoirs de l’employeur, il n’est pas un sanctuaire intangible !

 

Même si cela s’avère de moins en moins fréquent aujourd’hui, un contrat de travail, c’est en principe un contrat à durée indéterminée. Le même contrat peut donc lier employeur et salarié pendant des décennies. Or son contenu même, ses conditions d’exécution, ne peuvent demeurer intangibles sur la durée, selon des aléas qui touchent aussi bien l’employeur (évolution de l’entreprise, mise en route de nouveaux projets, difficultés imprévues, bouleversements économiques, décisions de déménager…) que le salarié (choix de carrière et/ou de reconversion professionnelle, désirs de déménagement et autres choix de vie…).

Par nature - le principe civiliste de sa force obligatoire -, ce même contrat de travail attribue certains pouvoirs indiscutables à l’employeur, dont le droit d’organiser les modalités d’exécution du travail attendu. Mais toute la subtilité du droit contractuel est qu’il détient en lui-même ses contraintes et ses limites pour l’employeur : « ce que les parties ont prévu, elles ne peuvent le défaire que par accord ». C’est principalement par cette faille que le pouvoir de l’employeur peut se heurter au droit du salarié d’opposer un refus face à certains changements et d’exiger de voir son contrat initial respecté.

Au-delà de ce lien contractuel cependant, l’employeur détient le pouvoir de direction, au titre duquel il peut imposer par exemple un changement des conditions de travail, là aussi dans certaines limites.


Toute la question est donc de tracer la frontière entre ce qui relève du contrat et ce qui ressort du pouvoir de direction de l’employeur.

 

Comment consolider la ligne de démarcation aux pouvoirs de l’employeur ?

La jurisprudence a dégagé quatre grands éléments constituant ce que nous appelons le « socle » ou « les piliers » du contrat de travail, comme autant de remparts aux pouvoirs de l’employeur.

Il s’agit :

  • de la qualification du salarié ;
  • du lieu d’exécution de son travail ;
  • du temps de travail ;
  • de la rémunération.

Or s’il s’agit bien de remparts, il nous faut bien admettre qu’ils prennent l’eau de toutes parts et que la tendance est bien plus à leur fragilisation qu’à leur renforcement. Ainsi, l’irruption des récents accords de performance collective (APC) vient-elle les emporter comme une lame de fond…

 

Les APC peuvent très bien prévaloir – au moins temporairement – sur le contrat de travail s’ils comportent des dispositions touchant les champs du « socle » évoqué à l’instant. Ces dispositions impliquées par les APC pourront alors s'imposer au salarié, maigré les dispositions contractuelles initiales !

 

Concrètement, comment s’y retrouver ?

C’est pourquoi, au vu de l’érosion de ces précieux remparts, ce numéro d’AJ sera particulièrement utile pour aider nos militants dans leur pratique prud’homale, de juge, de défense ou de conseil, en ce qu’il explore tout un éventail de solutions retenues par les juges pour dégager et maintenir un socle résistant du contrat de travail.

Ses pages font ainsi le point sur les quatre piliers, bénéficiant chacun d’un article fouillé et récapitulés dans un tableau de synthèse, sur l’incapacité du salarié à refuser la mise en place de l'activité partielle, sur les différentes formes de propositions de modification du contrat ou de changement des conditions de travail et les conséquences du refus du salarié (résumées par situation dans un schéma synthétique), sur la valeur contractuelle des différentes clauses du contrat de travail… Et bien sûr, ce numéro insiste particulièrement sur la subtile et pourtant très importante distinction entre modification du contrat et changement des conditions de travail, dont les conséquences peuvent être redoutables pour le salarié…

Au menu également :

 un clin d'oeil aux derniers ANI et le point sur la future transposition en droit français de la directive européenne sur des conditions de travail transparentes et prévisibles.

 

Bonne fin d’année 2020 et bonne lecture !