CET : les jours fériés compris dans une période d’absence doivent-ils être payés par l’employeur ?

Publié le 04/01/2023

Un salarié peut utiliser les jours de repos qu’il a déposés sur son compte épargne-temps pour percevoir une rémunération au cours de périodes non travaillées. L’employeur est-il pour autant légalement tenu de payer les jours fériés compris dans cette période d’absence, sans pouvoir les déduire du CET ? Tout dépend des dispositions conventionnelles applicables dans l’entreprise… Cass.soc.23.11.22, n°21-17300.

Les faits

Une salariée prend un congé sans solde de fin de carrière de mai 2018 à mars 2019. Cette période n’étant, par nature, pas rémunérée, elle décide de mobiliser les jours de congés qu’elle avait cumulés sur son compte épargne-temps (CET) pour percevoir une indemnisation.

Qu’est-ce qu’un compte-épargne temps ?

Un CET permet au salarié d’accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d’une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non pris ou des sommes qu’il y a affectées (1). Il est mis en place par un accord d’entreprise ou, à défaut, de branche (2).


Si ce dispositif est prévu par le Code du travail, ses modalités de gestion, d’alimentation, d’utilisation et d’indemnisation sont pour l'essentiel déterminées par l’accord collectif qui l’a mis en place. A titre d'exemple, c'est le Code du travail qui prévoit que les droits affectés sur le CET peuvent être utilisés pour accumuler des droits à congés. En revanche c’est l’accord collectif qui fixe librement les types de congés susceptibles d’être indemnisés par le CET. Il peut ainsi s’agir d’un congé parental d’éducation, d’un congé sabbatique, d’un congé sans solde, etc.

Seulement dans notre affaire, la salariée n’est pas d’accord avec les sommes versées par son employeur. Elle lui reproche d’avoir décompté de ses jours de CET les jours fériés inclus dans cette période, alors que selon elle ces jours auraient dû être rémunérés par l'employeur. Pour appuyer sa demande, la salariée se fonde sur deux éléments :

  • la définition du CET (telle que rappelée plus haut),

  • la règle selon laquelle « Le chômage des jours fériés ne peut entraîner aucune perte de salaire pour les salariés totalisant au moins 3 mois d'ancienneté dans l'entreprise ou l'établissement»(3).

Autrement dit, dès lors qu'elle a utilisé son CET pour financer son congé sans solde et qu’elle remplissait cette condition d’ancienneté de 3 mois, l’employeur aurait dû lui rémunérer tous les jours fériés inclus dans sa période d’absence sans pouvoir les déduire de son CET. Elle demande donc le paiement d’une indemnité.

Non convaincus par ces arguments, les juges du fond rejettent sa demande. Ils se fondent pour cela sur l’accord collectif applicable au sein de l’entreprise. Car si cet accord prévoit effectivement que le CET permet d’indemniser en tout ou partie un congé sans solde d’origine légale ou conventionnelle, il rappelle aussi que le contrat de travail est suspendu et que l’indemnisation de la salariée exclut toute rémunération au titre de la prestation de travail.

La salariée se pourvoit en cassation. Un salarié peut-il prétendre au paiement par son employeur des jours fériés inclus dans une période d’absence sans solde financée par un CET ?

L’employeur n’est pas légalement tenu d’indemniser les jours fériés compris dans la période d’absence !

La Cour de cassation approuve les juges du fond. Elle relève que les sommes issues de l’utilisation par le salarié des droits affectés sur son CET "ne répondent à aucune périodicité de la prestation de travail ou de sa rémunération" puisque :

  • le salarié et l’employeur décident librement de l’alimentation de ce compte,

  • et que la liquidation du CET ne dépend que des dispositions légales et conventionnelles applicables.

Certes, l’accord collectif en question prévoit que le CET peut financer un congé sans solde, mais il précise aussi que le contrat de travail est suspendu sur cette période et que le salarié perçoit une indemnité calculée sur la base de son salaire au moment du départ, correspondant à la valeur en euros, au jour du départ, du nombre de jours épargnés.

Autrement dit, dès lors que le contrat de travail est suspendu, le salarié ne peut prétendre à aucune rémunération au titre des jours fériés inclus dans cette période. Ici, l’employeur n’est donc pas tenu de payer les rémunérations relatives aux jours fériés inclus dans ce congé.

En d’autres mots, et la solution parait logique, ce n’est pas parce que la salariée est indemnisée au titre de son CET durant son congé sans solde qu’elle peut prétendre au paiement des jours fériés compris dans cette période et ce, même si elle a bien 3 mois d’ancienneté dans l’entreprise - à moins qu’un accord collectif ne prévoie de dispositions plus favorables (ce qui n’était pas le cas ici). 

 

 

 

(1) Art. L.3151-2 C.trav.

(2) Art. L.3151-1 C.trav.

(3) Art. L.3133-3 C.trav.

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