CSP : entre lancement du nouveau mandat et perspectives de désignations complémentaires

Publié le 26/04/2023

Le 19 avril dernier, s’est tenu un Conseil supérieur de la prud’homie à l’ordre du jour particulièrement chargé : réattribution de sièges dans les Hauts-de-Seine, retour sur le dernier renouvellement général et lancement à venir de la première vague de désignations complémentaires, open data des décisions prud’homales, formation, indemnisation, contestation des avis rendus par les médecins du travail. Sans compter les questions diverses qui seront détaillées en pièce jointe à cet article. Retour sur une séance aussi foisonnante que passionnante et à laquelle la CFDT a bien entendu activement participé...

Point n° 1 : le projet d'arrêté modificatif portant attribution des sièges de conseillers prud'hommes concernant les conseils de prud'hommes de Nanterre et de Boulogne-Billancourt pour le mandat prud'homal 2023-2025.

Le contexte.

Arc-en-ciel est un syndicat-maison d’Orpea. Les élections professionnelles organisées en 2019 lui avaient permis d’y conquérir une place plutôt hégémonique : plus de 60 % des suffrages valablement exprimés. Orpea étant une très grosse structure dotée d'un CSE implanté au niveau de son siège social situé dans les Hauts-de-Seine, Arc-en-ciel avait obtenu dans ce département suffisamment de suffrages valablement exprimés - 4 695 au total - pour se voir attribuer 2 sièges de conseillers prud’hommes à Nanterre et 1 siège à Boulogne-Billancourt…

Depuis 2016, les sièges de CPH salariés sont attribués aux organisations syndicales en fonction des suffrages qu’elles ont obtenus au niveau départemental dans le cadre de leur mesure d’audience.[1]

A la suite du scandale révélé en 2022, les élections CSE de 2019 ont finalement été judiciairement annulées. De nouvelles élections ont alors été organisées en 2023 et Arc-en-ciel s’y est littéralement effondré, passant de 60 % des suffrages valablement exprimés à seulement 15 %.

En se référant à ces derniers résultats électoraux, Arc-en-ciel n’avait plus droit aux 3 sièges de conseillers prud’hommes qu’il s'était initialement vu attribuer. Prenant acte du fait que ces sièges sont toujours restés vacants, le ministère du Travail envisage aujourd’hui de recourir à un arrêté rectificatif afin de les lui reprendre et de les redistribuer à d’autres organisations syndicales, en fonction de leur poids électoral.

Et « à l'issue de nouvelles opérations de calcul qui ont été menées », il envisage d'en attribuer 1 à la CFDT et 2 autres à la CFTC et à FO.

Le positionnement CFDT. Nous ne pouvions qu’approuver la finalité de cette opération… Mais nous avons tenu à soulever une question de principe et à émettre une réserve.

- La question de principe. Tout en admettant qu’une annulation d'élections CSE à ce point tardive et ayant un impact aussi fort sur les audiences électorales départementales était par nature exceptionnelle, une interrogation d’ordre général demeurait : était-il juridiquement envisageable de tenir compte d’une annulation d’élections postérieure à la date de mesure des audiences électorales[2] pour en modifier, après coup, la teneur ? Question d’autant plus prégnante que le ministère du Travail justifiait son projet par le fait que ces 3 sièges n’avaient jamais été occupés alors qu’en droit, cela aurait dû être sans incidence.           

- Notre réserve. Nous n’avons été informés que du résultat final : la « reprise » des 3 sièges initialement obtenus par Arc-en-ciel pour les réattribuer à la CFDT, à FO et à la CFTC. Ni la délégation CFDT siégeant au CSP, ni celle siégeant au Haut conseil au dialogue social (HCDS) ne s’est vu communiquer d’éléments. Difficile dans ce cas de rendre un avis éclairé…

Notre avis : nous souhaitions initialement solliciter un renvoi de la consultation au prochain CSP afin de laisser le temps à l’administration de convenablement nous informer. Mais des désignations complémentaires allant être rapidement organisées, nous ne souhaitions pas bloquer le processus, et nous avons finalement décidé de nous abstenir.    

 

Point n° 2. Le projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 28 avril 2021 pris en application de l’article 9 du décret n° 2020-797 du 29 juin 2020 relatif à la mise à disposition du public des décisions des juridictions judiciaires et administratives.

Le contexte. Le projet d’arrêté envisage de décaler la date à laquelle toutes les décisions rendues par les conseils de prud’hommes seront mises à la disposition du public en open data et de manière anonymisée. Initialement fixée au 30 juin 2023, la date butoir pour que l’opération soit finalisée serait ainsi portée au 30 septembre 2025, soit tout de même plus de 2 années de décalage… L’administration justifiait son projet d’arrêté par la volonté de caler la mise en œuvre de l’open data sur le déploiement à venir de Portalis.

L’open data dont il est ici question consiste en une mise à disposition du public, par voie électronique, de l’ensemble des décisions de justice rendues par les conseils de prud’hommes après qu’elles aient été anonymisées. L’open data est donc un outil informatif qui doit clairement être distingué de la notification aux parties.

Le positionnement de la CFDT. Nous avons regretté qu’un tel décalage soit envisagé car le processus législatif et réglementaire a déjà été trop long. La loi pour une République numérique ayant posé le principe de l’open data des décisions de justice - notamment prud’homales – remonte tout de même à 2016[3]... Par la suite, une loi de 2019 est venue en modifier le cadre juridique initialement fixé aux fins d’un meilleur encadrement de la protection des données et des anonymisations. Puis le décret du 29 juin 2020 et l’arrêté du 28 avril 2021[4] se sont enfin attachés à en fixer le calendrier de mise en œuvre

Si elle devait être reportée au 30 septembre 2025, la date butoir pourrait ainsi arriver presque 10 années après a promulgation de la loi République numérique !

De tels allongements de délais n’ont pas eu à être constatés pour la mise à disposition des décisions des cours d’appel et de la Cour de cassation alors que les dates butoirs étaient plus bien rapprochées...

Pour l’essentiel, Portalis consiste en effet en une dématérialisation de la procédure, n’est-il pas possible de décorréler les deux sujets ?

Notre avis. Malgré nos objections, après avoir pris acte du fait que la mise en œuvre de l’open data versant prud’hommes ne pouvait être prête au 30 juin 2023 et qu’il serait techniquement préférable qu’elle soit menée de pair avec le déploiement de Portalis, nous avons émis un avis favorable. En prenant bonne note que le 30 septembre 2025 était une date butoir et que nous pouvons espérer que ce dossier aboutisse avant.

 

Point n° 3. L’information sur la formation des conseillers prud’hommes et sur le lancement de leur formation continue pour la mandature 2023-2025

Un point a été fait sur l'évolution de la convention 2022-2025 et de ses annexes.  Les forfaits journaliers seront bel et bien réévalués et les formations en distanciel seront pérennisées. S'agissant des obligations pédagogiques incombant aux organismes, l'action de suivi qualitatif de la DGT comprendra désormais « la sélection aléatoire d'un stage pour lequel l'organisme devra fournir les documents pédagogiques ».

Le ministère du Travail a enfin précisé que le dialogue de gestion avec les organismes était en cours, avec l’Isefoj en ce qui nous concerne.

 

Point n° 4. La procédure de contestation des avis du médecin du travail

Le ministère du Travail a enfin répondu à la demande que nous formulions depuis des années : la mise en place d’un groupe de travail consacré à ce sujet. Ce groupe de travail devrait être rapidement constitué et les organisations siégeant au CSP ont en ce sens été appelées à désigner les 2 membres qui composeront leur délégation.

Le groupe de travail devra dans un premier temps établir un diagnostic partagé, cerner les principales difficultés de fonctionnement puis à réfléchir à l’établissement de propositions.

Il est pour l’heure prévu que le groupe de travail se réunisse 4 fois et qu'il rende ses conclusions à l'automne.

 

Point n° 5. Le bilan du renouvellement général des conseillers prudhommes (mandat 2023-2025).

La Chancellerie a fait un retour rapide sur le processus de désignations tel qu’il s’est déroulé tout au long de l’année 2022 dans le cadre du renouvellement général des mandats de conseillers prud’hommes. Mais elle a surtout insisté sur le fait qu’au terme de ce processus, 1 552 sièges étaient restés vacants (471, côté salariés et 1 081, côté employeurs), soit 10,71 % de l’ensemble.

Côté CFDT, ce sont 153 sièges qui n’ont pas trouvé preneurs, soit un taux de non-couverture de 6%.

Un tel constat doit nous inquiéter :  par rapport à 2017, ce sont 525 sièges vacants supplémentaires, soit une augmentation de plus de 50 % ! Une telle évolution pourrait à terme remettre en cause la crédibilité et la viabilité des conseils de prud’hommes…

A nous donc d’être particulièrement vigilants et investis lors de la prochaine vague de désignations complémentaires afin de pourvoir un maximum de nos sièges vacants. Nous pouvons d’ores et déjà prendre date, puisque la période de dépôt des candidatures devrait s’ouvrir dès le 22 mai prochain.

  

Point n° 6. L’information sur l'indemnisation des conseillers prud'hommes

Les plus anciens d’entre-nous se souviennent qu’en 2018, les partenaires sociaux avaient été réunis en groupe de travail par le ministère de la Justice afin de plancher sur l’indemnisation des conseillers prud’hommes et notamment sur sa mise en cohérence avec les évolutions de la procédure prud'homale, qui étaient récentes à l'époque.

Des conclusions avaient alors été construites par les partenaires sociaux, puis validées par le ministère de la Justice avant transmission au ministère des Finances. Mais depuis 5 ans, et malgré nos multiples relances, nous n'avons plus aucune nouvelle…

D’après ministère de la Justice, les conclusions de ce groupe de travail avaient été reprises, dans l’attente de nouveaux arbitrages budgétaires.

Nous retrouvons donc l'espoir que des propositions d'évolution en matière d'indemnisation des conseillers prud'hommes nous soient rapidement faites.

 

 

 

[1] Article L.1441-4 alinéa premier du Code du travail.

[2] le 14/03/2022 s’agissant de l’appréciation des audiences syndicales dans les départements.

[3] Via la création de l’art. L. 111-13 du Code de l’organisation judiciaire (Coj).

[4] Pris à la suite d’un recours formé devant le Conseil d’Etat qui avait enjoint à le Gouvernement à le prendre

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