CSP : examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice

Publié le 08/03/2023

Le 28 février 2023 sera une date à marquer d’une pierre blanche, puisqu’elle aura consacré le retour au présentiel des séances du Conseil supérieur de la prud’homie. Réuni en urgence afin de se pencher sur certaines dispositions du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice, ayant trait à la justice prud'homale, les organisations syndicales et patronales y siégeant ont eu à émettre deux avis distincts.

Prochaine réunion : le 23 mars prochain, pour étudier quelques déclinaisons réglementaires.

En son article 8, le projet de loi  en gestation envisage de faire sensiblement évoluer deux dispositions du Code du travail, l’une ayant trait à la désignation des conseillers prud’hommes, l’autre à la procédure disciplinaire les concernant.

Des évolutions envisagées en matière de désignation des conseillers prud’hommes

Dans sa version actuelle, l’article L. 1441-6 du Code du travail précise que les salariés et les employeurs sont habilités à postuler :

1/ « dans la section du Conseil de prud'hommes dans le ressort duquel ils exercent leur activité principale » ;

2/ « dans la section de même nature de l'un des conseils de prud'hommes limitrophes ».

Mais ce même article précise aussi que, lorsqu’ils sont retraités, demandeurs d’emploi ou salariés VRP, le champ des possibles s’élargit puisqu’ ils peuvent alors postuler :

1/ « dans la section du conseil de prud'hommes dans le ressort duquel ils exerçaient leur dernière activité professionnelle » ;

2/ « dans la section de même nature de l'un des conseils de prud'hommes limitrophes » ;

3/ « dans la section de même nature du conseil de prud'hommes dans lequel est situé leur domicile ».

Ainsi, dès lors que le salarié - ou l’employeur - n'est plus en activité, il peut présenter sa candidature, soit du côté de sa dernière activité professionnelle, soit du côté de son domicile. Mais curieusement, la présentation d’une candidature au niveau d'un conseil limitrophe ne lui est rendue possible que lorsqu’il opte pour le lieu de sa dernière activité professionnelle, pas lorsqu’il opte pour celui de son domicile !

L’article 8 du projet de loi vient mettre fin à cette curieuse dichotomie en autorisant les candidatures également dans les conseils limitrophes au domicile des salariés -et des employeurs- retraités ou demandeurs d’emploi mais aussi, notons-le, des salariés VRP.

 

La CFDT a bien entendu rendu un avis favorable à cette évolution. Elle s’en est même ouvertement réjouie car l’insuffisance -et l’incohérence- actuelle de cet article nous a objectivement empêchés de pourvoir un certain nombre de sièges lors du renouvellement général de 2022. Si cette évolution devait être avalisée, les retraités pourraient alors être présentés sur des conseils limitrophes à celui où est situé leur domicile.

 

Des évolutions envisagées en matière disciplinaire

Depuis 2016, l’article L. 1442-14 du Code du travail précise quelles sont les sanctions disciplinaires applicables aux conseillers prud’hommes :

-le blâme ;

-la suspension pour une durée ne pouvant excéder 6 mois ;

-la déchéance assortie d'une interdiction d'exercer les fonctions de conseiller prud'homme pour une durée maximale de 10 ans ;

-la déchéance assortie d'une interdiction définitive d'exercer les fonctions de conseiller prud'homme.

Or, de telles sanctions n’ont de sens que si le conseiller prud’homme poursuivi est encore en fonction. On ne peut en effet suspendre ou déchoir une personne de ses fonctions que si elle les exerce toujours. En l’état actuel du droit, le conseiller prud’homme qui démissionne voit donc la procédure disciplinaire intentée contre lui prendre fin… sans que cela ne constitue un obstacle à une re-désignation future. Ce qui est susceptible de générer une forme d’impunité, puisqu’une démission peut alors se trouver instrumentalisée dans le seul but d’échapper à des poursuites et/ou à des sanctions.

C’est pour parer à ce risque que le ministère de la Justice envisage d’étoffer la liste aujourd’hui existante des sanctions disciplinaires.

Le texte viendrait désormais préciser que la cessation des fonctions « pour quelques causes que ce soit » n’est pas de nature à faire « obstacle à l'engagement de poursuites et au prononcé de sanctions disciplinaires » et de préciser que, dans ce cas, les sanctions disciplinaires applicables sont « l'interdiction d'exercer les fonctions de conseiller prud'homme », « définitive » ou « pour une durée maximale de 10 ans ».

La CFDT a rendu un avis favorable à cette évolution. Nous sommes particulièrement attachés au respect par les juges prud’homaux des obligations déontologiques qui leur incombent. Il en va en effet de l’égard dû aux justiciables et du bon fonctionnement de la justice prud'homale. Il nous semble en conséquence logique qu’une démission ne puisse être de nature à lever toute perspective de sanction, dans la mesure où elle n’est pas exclusive d’une (re) désignation. Nous n’avons ici émis que quelques réserves de forme. A propos, notamment, des termes « cessation des fonctions pour quelque cause que ce soit », qui figurent au projet de loi et qui sont à l’évidence trop englobants, puisque nous pourrions y inclure le décès du salarié, évènement qui ne pourrait que « faire obstacle à l'engagement de poursuites et au prononcé de sanctions disciplinaires ».

 

En clôture de ce CSP, un point a été fait par l’administration sur l’arrêté d’agrément relatif aux formations continues prud'homales pour la mandature 2023-2025, texte sur lequel nous avions préalablement été consultés et qui a finalement été publié au Journal officiel  le 30 janvier 2023.

A cette occasion, une revalorisation du barème des montants stagiaires a été annoncée.