Code du travail : adaptation du droit français au droit de l’UE

Publié le 08/03/2023

Le Parlement vient de voter une loi portant diverses dispositions d’adaptation du droit français au droit de l’Union européenne. Cette loi, qui devrait prochainement être publiée au JO, contient un volet en matière sociale dont nous vous présentons ici les principales dispositions.

Une loi, deux directives. En ce qui concerne le Code du travail, cette loi vient en réalité transposer deux directives européennes : la première, en date du 20 juin 2019 concerne l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents aidants (…)(1) ; la seconde, en date du 20 juin 2019, concerne les conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne.

La CFDT, consultée en CNNCEFP dans le cadre de cette transposition, a pris acte du projet : elle considère notamment que cette transposition est loin d’être complète et a identifié des manques notables ne permettant pas de répondre totalement aux objectifs des directives.

Le point sur ces carences...

 

Équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants

La directive 2019/1158 ici transposée fixe de nouvelles normes en matière de congé paternité, de congé parental et de congé d’aidant, visant une meilleure conciliation entre vie personnelle et de vie professionnelle ainsi que l’égalité entre les femmes et les hommes concernant les opportunités sur le marché du travail et le traitement au travail.

Considérant le droit français largement conforme au droit de l’Union, le Gouvernement français ne prévoit in fine que très peu de modifications du Code du travail.

Dispositions relatives au congé de paternité et d’accueil de l’enfant

Jusqu’à présent, la durée de ce congé est assimilée à du temps de travail effectif pour le calcul des droits à congés payés. La loi (2) étend cette assimilation, puisque désormais, la durée du congé est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de tous les droits  que le salarié tient de son ancienneté (3).

La loi ajoute aussi au droit existant le fait que le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début du congé.

Ce congé permet au père salarié ainsi que, le cas échéant, au conjoint ou concubin salarié de la mère, ou à la personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité, bénéficient d'un congé de paternité et d'accueil de l'enfant de bénéficier de 25 jours calendaires ou de 32 jours calendaires en cas de naissances multiples.

 

Dispositions relatives au congé parental d’éducation

Ancienneté

L’article L. 1225-47 du Code du travail prévoit actuellement que pour bénéficier de ce congé, le salarié doit avoir au moins 1 an d’ancienneté à la date de la naissance de son enfant ou à la date de l’arrivée au foyer en cas d’adoption. La loi de transposition vient modifier cet article en décalant le point de départ du décompte de l’ancienneté d’1 an : ce sera désormais au moment du départ en congé qu’il conviendra d’apprécier l’ancienneté d’1 an.

 

Détermination des droits liés à l’ancienneté

L’article L. 1225-54 prévoit que la durée du congé parental d'éducation est prise en compte pour moitié pour la détermination des droits que le salarié tient de son l'ancienneté.

La loi de transposition intègre une distinction entre le congé parental à temps plein, pour lequel il n’y a pas de changement en la matière, et le congé parental à temps partiel.

En ce qui concerne cette seconde situation, la loi de transposition vient acter dans le droit français la jurisprudence européenne et nationale, qui considère que les droits d’une salariée doivent être calculés sur la base de sa rémunération à temps complet (4). Le nouvel article L. 1225-54 du Code du travail prévoit désormais expressément qu’en cas de réduction de son temps de travail dans le cadre d’un congé parental, la durée du congé parental d’éducation à temps partiel est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté.

 

Maintien des avantages acquis avant le congé

La loi prévoit également que le salarié en congé parental conserve le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début du congé. Concrètement, cela signifie que le salarié ne perdra plus ses congés payés acquis avant son départ en congé parental.

Il s’agit ici d’une avancée notable, puisque le droit français ne prévoit pas la possibilité de reporter les congés payés non pris après la période de prise. Ce qui avait pour conséquence une potentielle perte de droit pour le salarié n’ayant pu solder ses congés payés avant son départ et avant la période de prise.
À noter qu’une disposition identique est intégrée à l’article L. 1225-65 du Code du travail pour le salarié qui bénéficie d’un congé de présence parentale.

 

Les carences de la loi de transposition

Si ces dispositions vont toutes dans le bon sens, elles ne vont toutefois pas suffisamment loin pour permettre une mise en conformité du droit français au droit de l’Union...

Ainsi, à l’occasion de la consultation de la CNNCEFP, la CFDT a-t-elle pu regretter que le texte se limite à maintenir le bénéfice des droits acquis mais pas des droits en cours d’acquisition, comme le prévoit la directive pour le congé parental, le congé de paternité et le congé de présence parentale.

Surtout, la CFDT a déploré des manques en matière d’indemnisation du congé parental ! En effet, le Gouvernement n’a pas tenu compte des critères fixés par la directive pour déterminer cette indemnisation, jugeant la mesure trop coûteuse... Pourtant, en vertu de la directive, les États membres doivent faire en sorte de fixer une rémunération du congé permettant de « faciliter la prise du congé parental par les deux parents ». Or aujourd’hui en France, le congé parental est trop peu indemnisé pour être partagé entre les parents ! Cela ne permet pas de répondre à l’objectif visant à « augmenter la représentation des femmes sur le marché du travail et de renforcer le rôle du père ou du second parent équivalent dans la famille ».

 

Conditions de travail transparentes et prévisibles

La directive 2019/1152 transposée a pour objectif d’améliorer les conditions de travail en favorisant un emploi plus transparent et plus prévisible tout en assurant la capacité d’adaptation du marché du travail.

Voici les principales dispositions prises par l’État français.

 

Informations à remettre au salarié

Le droit français n’impose la rédaction et la signature d’un contrat de travail que dans certaines situations bien précises : CDD, contrat de travail à temps partiel, contrat d’apprentissage… À l’inverse, aucun écrit n’est exigé en cas de CDI à temps plein. Toutefois, l’employeur doit remettre au salarié une copie de la déclaration préalable d’embauche (5). Il doit également lui remettre chaque mois un bulletin de salaire devant contenir certaines mentions obligatoires.

Afin de transposer la directive, la loi créé un article L. 1221-5-1 dans le Code du travail qui impose à l’employeur la remise au salarié d’un « ou plusieurs documents écrits contenant les informations principales relatives à la relation de travail ». Ce même article prévoit que le salarié qui n’aurait pas reçu les informations précitées pourra saisir le juge après avoir mis en demeure l’employeur de les communiquer.

Un point important : un décret doit venir préciser les modalités d’application du texte, et devra notamment préciser quelles sont les informations qui devront être mentionnées.

Pour la CFDT, cette évolution est évidemment positive dès lors qu’elle permettra au salarié d’obtenir une information plus complète quant à la relation de travail.

Néanmoins, le contenu du texte reste relativement flou quant au support et aux informations à transmettre et renvoie à un décret le soin d’apporter ces précisions...

La directive est pourtant bien précise : une liste de 15 informations à transmettre avant le 1er jour de travail, et au plus tard le 7e jour calendaire suivant, ceci sur papier ou format électronique.

 

Les durées de période d’essai

Le Code du travail prévoit que les durées de période d’essai peuvent aller de 2 mois renouvelables 1 fois pour les ouvriers et employés, à 4 mois renouvelable 1 fois pour les cadres (6).

Il prévoit également que des accords de branche conclus avant la date de publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail peuvent prévoir des durées plus longues...

La loi de transposition se contente de supprimer cette faculté, qui avait été laissée aux accords de branches antérieurs à juin 2008 de prévoir des durées plus longues. Elle précise aussi que cette suppression n’entrera en vigueur que 6 mois après la promulgation de la loi, laissant ainsi aux partenaires sociaux le temps de renégocier les accords en question.

Mais elle ne revient pas sur les durées de période d’essai !

Pourtant, la directive fixe une durée maximale de 6 mois, sauf exception, lorsque la nature de l’emploi le justifie ou quand c’est dans l’intérêt du travailleur... Le droit français conserve donc ses durées plus longues de 8 mois, ce qu’a déploré la CFDT lors de la consultation de la CNNCEFP.

 

(1) Directive n°2019/1158.

(2) Nouvel article L. 1225-35-2 C.trav.

(3) Ainsi, cette durée sera prise en compte pour le calcul du préavis, de l’indemnité de licenciement, de la participation…

(4) Cass.soc. 18.03.20, n°16-27825.

(5) Art. R.1221-9 C.trav.

(6) Art. L. 1221-19 et 21.