Inaptitude : le CSE doit-il être consulté en cas de dispense d'obligation de reclassement ?

Publié le 29/06/2022
par Service juridique - CFDT

La Cour de cassation vient de répondre par la négative, ce qui semble assez logique au regard de la finalité de la consultation du CSE dans la procédure d’inaptitude. Cela met fin à un débat jurisprudentiel né avec la réforme de 2016 introduisant la possibilité, pour le médecin du travail, de dispenser l’employeur de son obligation de reclassement, que l’inaptitude soit d’origine professionnelle ou non.

Cass.soc. 08.06.22, n°20-22500

Principe et exception au reclassement du salarié inapte

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, l’employeur doit en principe lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités dans l’entreprise ou le groupe. Le CSE est consulté sur les propositions de reclassement avant que le salarié n’en soit destinataire (1).

Par exception, le Code du travail permet à l’employeur de rompre le contrat de travail du salarié déclaré inapte si le médecin du travail a fait mention expresse dans son avis que « tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle a tout reclassement dans un emploi » (2).

Dans une telle situation, il s'agissait de savoir si le CSE devait quand même être consulté alors qu’il n’y avait par définition aucune proposition de reclassement.

Rappelons que cette question n’est pas dénuée d’enjeux, puisque le manquement à la consultation du CSE est considéré comme une formalité substantielle rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse (3) et permettant l'octroi, en cas d'inaptitude d’origine professionnelle, et en l’absence de réintégration, d'une indemnité spéciale qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaire (4).  

C’est d’ailleurs cette indemnité spéciale de licenciement qui a été accordée par la cour d’appel de Chambéry, alors que le médecin du travail avait dispensé l’employeur de son obligation de reclassement. 

C'est cette décision que vient censurer la Cour de cassation dans le présent arrêt(5).

La solution de la Cour de cassation et sa portée

Ainsi, la Cour de cassation décide que « lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n'a pas l'obligation de consulter les délégués du personnel [à savoir le CSE aujourd’hui] ».

En d’autres termes, pour la Cour de cassationla consultation du CSE est sans objet, n'ayant pas à se prononcer sur des propositions concrètes de reclassement ni à remettre en cause une absence de proposition de l’employeur.

 

La situation visée par l’arrêt est bien différente de celle où l’employeur estime que le reclassement est impossible ! La jurisprudence rendue à propos des DP, mais transposable au CSE, est venue dire sans équivoque que l’instance doit être consultée « sur les possibilités de reclassement avant d'engager la procédure de licenciement » (6) dans une situation où l’employeur n’avait fait aucune proposition de reclassement.

S’il est vrai que le CSE n’a pas de prise sur la décision du médecin du travail décidant de la dispense de reclassement pour des raisons de santé, il nous aurait paru cohérent d’informer le CSE pour qu’il ait une visibilité concrète sur les cas les plus graves, dans la mesure où la santé et la sécurité relèvent bien de ses compétences générales.

 

 

 

(1) Art. L.1226-2 et L.1226-10 C.trav.

(2) Art. L.1226-2-1 et L.1226-12 C.trav.

(3) Cass.soc.30.09.20, n° 19-11.974.

(4) Art. L.1226-15 C.trav.

(5) La cour d’appel de Bourges a également considéré que la consultation du CSE devait être maintenue simplement pour l’informer du contenu de l’avis du médecin du travail sur l’inaptitude du salarié (CA Bourges, 19.11.21, n°21/00153)

(6) Cass.soc., 30.09.20, n° 19-16.488.