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Congé paternité : attention au motif invoqué dans la lettre de licenciement !

Publié le 18/10/2023

Le salarié en congé paternité bénéficie d’une protection contre le licenciement : il ne peut être licencié qu’en cas de faute grave ou lorsque le contrat de travail ne peut pas être maintenu pour un motif étranger à la paternité. Seulement faut-il encore que la lettre de licenciement mentionne expressément l’un de ces motifs, à défaut le licenciement sera jugé nul avec les conséquences indemnitaires qui en découlent. C’est ce que vient de préciser la Cour de cassation. Cass.soc.27.09.23, n°21-22.937.

Rappel de la protection du salarié durant le congé paternité

Aujourd’hui, le salarié qui devient père bénéficie d’un congé paternité de 25 jours calendaires (1).  Il bénéficie également d’une protection contre le licenciement de 10 semaines à compter de la naissance de l’enfant. Mais cette protection est toutefois dite « relative ». C’est-à-dire que son licenciement est toujours possible, mais à la seule condition qu’il ait commis une faute grave ou encore que son contrat ne puisse pas être maintenu pour un motif étranger à sa paternité (2). Mais qu’en est-il lorsque seul un motif étranger à la paternité est invoqué dans la lettre de licenciement…

Seule la mère bénéficie d’une protection dite « absolue » interdisant tout licenciement durant son congé maternité et durant ses congés payés s'ils sont pris dans la foulée. Et elle bénéficie d’une protection identique à celle du père durant sa grossesse et durant les 10 semaines suivant la fin de son congé maternité ou de ses congés payés s’ils sont pris dans la foulée.

La lettre de licenciement invoque uniquement un motif étranger à la nouvelle paternité

Dans cette affaire, le salarié conteste son licenciement au motif que la protection contre le licenciement dont il bénéficie depuis la naissance de son enfant n’a pas été respectée.

La cour d’appel va donner raison au salarié, car pour les juges du fond, les griefs invoqués dans la lettre de licenciement font certes bien état d’un motif étranger à la paternité, mais ils ne permettent pas de caractériser l’impossibilité pour l’employeur de maintenir le contrat de travail du salarié.

L’employeur décide donc de former un pourvoi. Selon ce dernier, la cour d’appel aurait dû tenir compte des arguments mentionnés devant les juges démontrant que le contrat ne pouvait être maintenu. En effet, les manquements professionnels qui étaient reprochés au salarié n’étaient pas compatibles avec ses fonctions. Ils étaient de nature à causer un préjudice commercial à l’entreprise, raison pour laquelle le salarié avait été dispensé d’exécuter un préavis même s’il n’avait pas été licencié pour faute grave.

La question qui se pose alors à la Cour de cassation est la suivante :Le fait que le motif invoqué dans la lettre de licenciement soit étranger à la nouvelle paternité du salarié est-il suffisant? Ou faut-il expressément mentionner dans la lettre pourquoi le contrat de travail du salarié ne peut être maintenu ? Cette démonstration peut-elle se faire directement devant les juges du fond ?

L’impossibilité du maintien du contrat de travail doit être démontrée dans la lettre de licenciement

La Cour de cassation rappelle, au visa de l’article L. 1225-4-1 du Code du travail, les règles de protection contre le licenciement dont bénéficie le salarié qui vient de devenir père. Puis, elle en déduit que la lettre de licenciement doit expressément mentionner l’un des motifs autorisant le licenciement durant cette période de protection.  L’employeur ne peut donc se contenter d’évoquer un motif étranger à la paternité, il doit expressément expliquer dans la lettre en quoi le motif invoqué conduit à l’impossibilité de maintenir le contrat de travail du salarié. Et ce, peu importe que l’employeur puisse démontrer par la suite devant les juges que le contrat ne pouvait être maintenu.

Enfin qu’en est-il des conséquences indemnitaires découlant de la nullité du licenciement? Est-il possible pour le salarié d’en faire la demande pour la première fois qu'à hauteur d’appel ?

Les indemnités liées à la nullité du licenciement peuvent être demandées à hauteur d’appel

Sur ce dernier point, la Cour de cassation ne va pas aller dans le sens des juges du fond.

Devant la Haute Cour, le salarié reproche aux juges du fond de considérer sa demande d’indemnité et sa demande de réintégration comme des demandes nouvelles alors que selon l’article 566 du Code de procédure civile « les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ».

Pour les juges du fond, sont déclarées irrecevables les demandes du salarié tendant à sa réintégration ainsi qu’à l’obtention d’une indemnité d’éviction et de dommages et intérêts pour violation de la protection, car ces demandes n’ont pas été faites initialement devant le conseil de prud’hommes. Pour la cour d’appel, le salarié ayant le choix de demander ou non sa réintégration alors, il ne peut s’agir d’une simple demande accessoire.

Mais pour la Cour de cassation, il est clair que ces demandes ne sont pas nouvelles et découlent bien de la demande en nullité du licenciement effectuée par le salarié dès le conseil de prud’hommes.

 

 

(1) Art. L.1225-35 C. trav.

(2) Art. L.1225-4-1 C. trav.

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