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Résiliation judiciaire : pas de prescription des faits invoqués par le salarié !

Publié le 25/10/2023

L’action en résiliation judiciaire du contrat de travail peut être introduite par le salarié tant que le contrat n’a pas été rompu et quelle que soit la date des faits invoqués au soutien de sa demande. Le juge doit donc prendre en compte tous les faits opposés, même les anciens ! C’est ce qu’a confirmé la Cour de cassation dans un arrêt récent, levant ainsi tout doute sur la question. Cass.soc. 27.09.2023, n° 21-25.973.

Demande de résiliation 6 ans après les faits fautifs

Dans cette affaire, une salariée est placée en invalidité deuxième catégorie en 2009. En 2015, elle saisit la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur. Elle lui reproche l'absence d'organisation d'une visite de reprise devant le médecin du travail après avoir été informé de son classement en invalidité.

Les salariés doivent bénéficier d'un examen par le médecin du travail après certaines absences pour raisons médicales(1). Les juges ont pu préciser que le classement en invalidité deuxième catégorie par la sécurité sociale ne dispense pas l’employeur de l’obligation d’organiser une telle visite, dès lors que le salarié n’a pas manifesté de volonté de ne pas reprendre le travail(2). Notons que la seule transmission par le salarié d’arrêts de travail sans discontinuité ne permet pas de caractériser une manifestation de volonté de ne pas reprendre le travail(3).

Une action prescrite ?

Les juges du fond rejettent la demande de la salariée considérant que l’action en résiliation du contrat était prescrite. Selon la cour d’appel, un courrier adressé à la salariée le 23 février 2009, par lequel l’employeur indiquait avoir connaissance de son classement en invalidité, constituait le point de départ du délai de prescription de l’action en résiliation du contrat. Les actions en rupture du contrat de travail se prescrivant à l’époque par 5 ans, le manquement de l’employeur ne pouvait pas selon elle être invoqué au-delà de ce délai, soit le 23 février 2014 (pour rappel, la salariée à saisi le conseil de prud'hommes en 2015).

Avant la loi du 14 juin 2013, l’application des règles civilistes conduisait à retenir un délai de 5 ans pour agir devant le conseil de prud’hommes en contestation du licenciement(4). Après cette loi, un nouvel article L. 1471-1 a été inséré au Code du travail prévoyant une prescription de 2 ans pour agir en contestation de la rupture du contrat de travail(5), assorti de dispositions transitoires(6). Depuis les ordonnances Travail, ce délai a été réduit à 12 mois à compter de la notification de la rupture.

La salariée se pourvoit en cassation soutenant la thèse inverse. Selon elle, « l'action en résiliation judiciaire du contrat de travail peut être introduite pendant toute la durée d'exécution du contrat de travail, quelle que soit la date des faits invoqués à l'appui de la demande ».

La date des faits invoqués par le salarié importe peu

La Cour de cassation fait droit à la demande de la salariée et casse l’arrêt d’appel.

Elle rappelle d’abord que le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison des manquements de l'employeur à ses obligations, manquements devant être suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

Puis, suivant son usage récent, elle cite un de ses arrêts rendu en 2021 : saisi d’une demande de résiliation judiciaire, « le juge doit examiner l’ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci, quelle que soit leur ancienneté »(7).

Elle conclu finalement que cette action peut effectivement être introduite tant que le contrat de travail n’a pas été rompu et ce, quelle que soit la date des faits invoqués au soutien de la demande.

Si doute il pouvait y avoir à la suite de l’arrêt de 2021, tel n’est plus le cas ! La résiliation judiciaire peut être introduite à tout moment, tant que le contrat est en cours, sans que ne puisse être opposé au salarié la date des faits invoqués et leur éventuelle prescription. On l’aura compris, ce n’est pas la date des faits qui compte mais leur caractère suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.


(1) Art. R.4624-31 C.trav.

(2) Cass.soc. 12.10.99, n°97-40.835 ; Cass.soc. 15.10.03, n°01-43.571 ; Cass.soc. 17.05.16, n°14-23.138).

(3) Cass.soc. 12.04.23, n°21-24.301.

(4) Art. 2224 C.civ.

(5) Art. L.1471-1 C.trav.

(6) Art. 21 V de la loi n° 2013-504 du 14.06.13.

(7) Cass.soc. 30.06.21, n°19-18.533.

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