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Repos quotidien conventionnel : sa violation cause nécessairement un préjudice !

Publié le 13/03/2024

La Cour de cassation vient à nouveau de reconnaître l’existence d’un préjudice nécessaire, cette fois, en cas de violation par l’employeur du repos quotidien prévu par accord collectif. Ce préjudice vient donc s’ajouter à la liste qui s’allonge depuis plusieurs années, en particulier en matière de santé et de sécurité au travail. Cass.soc.07.02.24, n°21-22809.

Le préjudice nécessaire, qu’est-ce que c’est ?

La théorie du préjudice nécessaire a été développée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans les années 1990. Elle permettait au salarié d’obtenir l’indemnisation du préjudice subi du fait de la violation par l’employeur de certaines de ses obligations, et ceci sans avoir à apporter la justification de son préjudice. Une théorie dérogeant ainsi aux règles classiques de responsabilité civile imposant à la victime d’un dommage de démontrer l’existence d’un préjudice pour pouvoir engager la responsabilité de l’auteur (et par conséquent, obtenir une réparation).

Par un arrêt du 13 avril 2016(1), la Cour de cassation a ensuite abandonné la notion de préjudice nécessaire, le salarié devant, depuis, apporter la justification de son préjudice dans des cas où il en était jusqu’alors dispensé.

L’abandon de la théorie en 2016 ne s’est toutefois pas avéré définitif. Sur certaines thématiques, notamment lorsqu’il s’agit de sanctionner la violation d’une disposition d’une directive européenne destinée à protéger la santé et la sécurité des travailleurs, la Cour l’a réaffirmé :

  • en matière de dépassement de la durée maximale hebdomadaire (2) ;
  • en matière dépassement de la durée maximale quotidienne (3) ;
  • ou encore en matière de dépassement de la durée hebdomadaire maximale de travail du travailleur de nuit sur une période de 12 mois (4).

Une violation des règles de repos quotidien prévues par un accord collectif

Dans l’affaire ici commentée, un salarié a saisi la justice pour obtenir l’indemnisation de son préjudice pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. Selon lui, le non-respect par l’employeur des temps de repos entre deux périodes de travail viole cette obligation et génère nécessairement un préjudice à son encontre.

Le salarié faisait en effet la démonstration qu’il n’avait pas toujours bénéficié des 12 heures de repos entre 2 services auxquelles il a droit au titre de l’accord collectif applicable au sein de l'entreprise.

L’article L.3131-1 du code du travail prévoit, quant à lui, que « Tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d'urgence(…) ».

La cour d’appel l’a pourtant débouté de sa demande d’indemnisation faute de preuve du préjudice subi rapportée par le salarié.

Un pourvoi est alors formé par ce dernier. Pourvoi qui interroge la Cour de cassation sur le point de savoir si la violation par l’employeur du temps de repos journalier entre deux périodes de travail cause nécessairement un préjudice au salarié.

Un préjudice nécessaire en cas de violation du repos journalier conventionnel

Dans la continuité des arrêts précités, la Cour de cassation reconnaît un nouveau préjudice nécessaire, celui découlant de la violation par l’employeur des règles conventionnelles relatives au temps de repos journalier :

« le seul constat que le salarié n’a pas bénéficié du repos journalier de 12 heures entre deux services ouvre droit à réparation ».

Cette reconnaissance se fait au visa de l’obligation de prévention de la santé et de la sécurité des salariés posée par l’article L. 4121-1 du Code du travail et de l’accord collectif applicable en l’espèce et prévoyant un repos de 12 heures entre 2 services. Elle se fait aussi sur le fondement du droit de l’Union européenne. La Cour de cassation retient en effet que ces 2 dispositions participent à l’objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d’un repos suffisant et le respect effectif des limitations de durées maximales prévues par la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.

Cette décision n’est finalement pas surprenante dans la mesure où il s’agit à nouveau pour la Cour de cassation de protéger le droit à la santé et au repos du salarié, consacré par le droit de l’Union européenne, en facilitant l’indemnisation en cas de violation de celui-ci.

Il est fort probable que la Cour de cassation, lorsqu’elle sera saisie de la question, décidera la même chose en ce qui concerne le repos quotidien légal de 11 heures, le repos hebdomadaire légal ou encore les temps de pause légaux, toutes ces dispositions ayant pour objectif de préserver la santé et la sécurité des salariés.

 

(1) N°14-28293

(2) Cass.soc. 26.01.22, n°20-21636

(3) Cass.soc. 11.05.23, n°21-22281

(4) Cass.soc. 27.09.23, n°21-24782

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