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Temps de déplacement : pas de requalification en temps de travail effectif sans preuve suffisante !

Publié le 23/04/2024

Le temps de trajet pour se rendre à un déplacement professionnel peut être assimilé à du temps de travail effectif mais faut-il encore que le salarié prouve qu’il était à la disposition de son employeur et qu'il devait se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations ! La Cour de cassation vient de préciser que le salarié qui atteste être joignable par téléphone durant son temps de trajet ne suffit pas à caractériser qu’il s’agit de temps de travail effectif ouvrant droit au paiement d‘heures supplémentaires. Cass.soc.13.03.24. n° 22-11.708.

Les règles applicables en matière de temps de travail effectif et de temps de trajet lors d’un déplacement

Le Code du travail prévoit que le temps de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles (1).

Concernant le temps de déplacement professionnel pour se rendre du domicile au travail, le Code du travail précise qu’il n’est pas, par nature, du temps de travail effectif. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet soit d’une contrepartie sous forme de repos, soit sous forme financière (2).

Cette contrepartie est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l’employeur prise après consultation du CSE, s’il en existe (3).

La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail n’entraine aucune perte de salaire. Rappel des faits

Un salarié demande en justice que lui soit versé un rappel de salaire pour heures supplémentaires au titre de ses temps de voyage pour se rendre à l’étranger pour l’exercice de ses fonctions.

Pour la cour d’appel, il est clair que dès lors que le salarié attestait qu’il restait joignable par ses collaborateurs aussi bien quand il se trouvait à l’étranger que durant son temps de voyage, ce temps constituait bien du temps de travail effectif.

L’employeur décide de former un pourvoi en cassation.

Le fait qu’un salarié reste joignable durant son temps de voyage à l’étranger suffit-il à considérer qu’il s’agit d’un temps de travail effectif donc rémunéré comme tel ?

Être joignable ne suffit pas à caractériser un temps de travail effectif

Pour la Cour de cassation, au vu des articles du Code du travail, les attestations qui émanent uniquement du salarié ne suffisent pas à dire que ce temps de trajet est du temps de travail effectif. Plus exactement, elles sont insuffisantes pour prouver que le salarié devait se tenir à disposition de l’employeur et devait se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations. La Haute Cour fait ainsi une application stricte du Code du travail.

Il est conseillé en pareilles circonstances de produire des mails, des relevés d’appels qui démontrent que le salarié était bien à la disposition de l’employeur et qu’il se conformait à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles.

En revanche, sans doute que le salarié aurait pu, en se fondant sur l’article L.3121-4 du Code du travail, demander un repos ou une contrepartie financière pour ce trajet plus long qu’à l’habitude puisqu’il se déplaçait à l’étranger.

Position sans surprise, dans la lignée de la jurisprudence de l’UE

Cette jurisprudence s’inscrit dans la suite de la jurisprudence de l’UE qui veut que le juge apprécie, au cas par cas, les contraintes imposées au salarié et leur impact sur sa capacité à gérer son temps personnel pour déterminer si un temps professionnel est ou non un temps de travail effectif.

Cette solution a déjà été rendue pour les temps de pause (4), d’astreinte (5) ou encore dans le cas d’un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier client (6).

 

 

(1) Art. L.3121-1 C.trav.

(2)  Art. L.3121-4 C.trav.

(3) Art. L.3121-7 et L.3121-8 C.trav.

(4) Cass.soc.02.06.21, n°19-15.468.

(5) Cass.soc.26.10.22, n° 21-14178.

(6) Cass.soc.23.11.22, n°20-21.924.

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