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Reclassement : obligation maintenue en cas d’inaptitude à un emploi dans l’entreprise

Publié le 20/09/2023

Lorsqu'un salarié est déclaré inapte, quelle est l'étendue exacte de l'obligation de reclassement de l'employeur ? Et la portée de l'avis du médecin du travail ? Un arrêt récent de la Cour de cassation nous livre quelques éclairages et confirme que la Haute juridiction ne permet pas à l'employeur de se dispenser si facilement de l'obligation de rechercher un reclassement. Cass.soc.13.09.2023, n°22-12970.

Un salarié déclaré inapte à un emploi « dans cette entreprise » est licencié…

Un salarié est placé en arrêt de travail en raison d’une maladie non professionnelle. Par la suite, il est déclaré inapte par le médecin du travail en ces termes : « Inapte (…) Tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ». Dans la foulée, l’employeur le licencie pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le salarié saisit alors le conseil de prud’hommes pour contester son licenciement. Il fait notamment valoir que l’employeur n’a pas recherché son reclassement avant de le licencier.

Que l’inaptitude ait une origine professionnelle ou non, avant tout licenciement, l’employeur doit procéder à la recherche d’un reclassement prenant en compte les préconisations du médecin du travail (art. L1226-2 et L1226-10 du Code du travail). Lorsque le salarié est déclaré inapte à son emploi, l’employeur doit chercher à lui proposer « un autre emploi approprié à ses capacités ».

La cour d’appel donne gain de cause au salarié et condamne l’employeur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il forme alors un pourvoi et saisit la Cour de cassation.

L’employeur n’est pas pour autant dispensé de son obligation de reclassement !

Pour tenter de convaincre la Haute juridiction, l’employeur invoque l’article L.1226-2-1 du Code du travail, qui prévoit les cas dans lesquels l’employeur peut rompre le contrat de travail d’un salarié inapte, et aux termes duquel il n’est pas nécessaire que l’avis du médecin du travail mentionne l’inaptitude à tout poste quel qu’il soit pour être exempté de l'obligation. Autrement dit, il fait valoir qu’une inaptitude à tout poste dans l’entreprise suffit pour que l’employeur soit exonéré de son obligation de rechercher un reclassement.

En effet, à le lire isolément, l’article L.1226-2-1 pourrait conduire à cette interprétation, mais ce serait faire fi des renvois qu'il fait à l’article L1226-2 lequel précise le périmètre de la recherche du reclassement en ces termes : l’employeur doit proposer « un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient, le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel ».

La Cour de cassation approuve donc les juges d’appel d'avoir donné raison au salarié, en constatant que :

 « l’avis d’inaptitude du médecin du travail mentionne que tout maintien dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé et non pas que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » !

En l’espèce, il ressort de la formulation employée que le non-respect de l’obligation de reclassement tient à l’absence de recherche d’un emploi dans le groupe alors que l’avis d’inaptitude mentionne uniquement l’inaptitude à un emploi « dans cette entreprise ». Cependant, il faut souligner que même si le médecin du travail avait émis un avis d’inaptitude à tout emploi, pour que l’employeur soit réellement dispensé d’une recherche, il faut également que le médecin du travail ait coché la case intitulée « cas de dispense de l’obligation de reclassement » figurant sur le modèle d’avis adopté par arrêté du 16 octobre 2017. Sinon, les juges pourraient imposer à l’employeur de rechercher un reclassement au besoin par la mise en œuvre de transformations des postes de travail (1).

La Haute juridiction approuve donc les juges du fond d’avoir décidé que l’employeur n’était dispensé ni de procéder à la recherche d’un reclassement, ni de consulter les délégués du personnel. Cette dernière précision permet de rappeler qu’avant tout licenciement pour inaptitude, l’employeur -qu’il ait ou non des offres à proposer- doit consulter le CSE sur les possibilités de reclassement.

 

(1) « Les exceptions à l’obligation de reclassement », Action juridique n°247, p.40-41.

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